mardi 28 avril 2015

Dexter, plaisir coupable








Je parlais d’éclectisme. Je permets donc un grand écart entre D'argile et de feu et Dexter Morgan, le héros de Jeff Lindsay.
Beaucoup connaissent le Dexter Morgan de la série télévisée éponyme, campé par Michael C Hall. Cette série est librement adapté des romans de Jeff Lindsay. En fait, la première saison correspond plus ou moins au premier roman. Dès la deuxième saison, la série suivra son propre chemin, indépendemment des romans. Mais sur le concept, la série est restée très proche de l’esprit original (Jeff Lindsay a participé a quelques épisodes) et Michael C Hall offre une excellente interprétation de Dexter Morgan, en tout cas pour les quelques épisodes que j'ai eu l'occasion de voir. Je dois avouer connaître très mal la série télévisée.

Pour résumer, Dexter était un adolescent étrange, dévorés de pulsions de mort. Son père adoptif, s’en rendant compte, décida de le “recadrer”. Ce policier intègre, Harry Morgan”, conscient que son fils est un tueur et qui rien ne pourra le faire changer, l’éduque en lui inculquant une série de règles (le "code Harry") visant à ne pas se faire prendre. Cela inclut la constitution d'une “couverture” sociale, c’est-à-dire d'offrir l’image d’un individu absolument insoupçonnable. Il lui apprend également à couvrir ses traces et lui impose d'exercer son petit vice sur des individus qui n’attirent pas l’attention.

Dexter Morgan se présente donc comme un homme charmant, travaillant à la police scientifique de Miami. Pourtant, lorsque le besoin devient trop pressant, il se choisit un "compagnon de jeu" pour satisfaire ses pulsions. Son terrain de chasse est pourtant très particulier. Il ne s'intéresse ni à l'âge, ni au genre, ni à la race de ses victimes. Il traque les assassins et autres crapules qui échappent à la violence de la police. Dexter ne cherche pas à se faire pardonner ses tendances criminelles en se focalisant sur de telles cibles. Simplement, ce genre de personnages mène généralement une vie solitaire et leur disparition ne fait guère de vagues.

Voilà pour le fond. Pour la forme, Jeff Lindsay a osé la narration à la première personne. Nous partageons donc les états d’âmes de Dexter au quotidien. Cela nous vaut une bonne dose d’humour noir, qui rend la lecture assez réjouissante. En fait, je dois avouer que les intrigues policières sont rarement passionnantes. Ce qui me plaît dans Dexter, c’est cette comédie noire à propos d’un homme qui doit préserver les apparences à tout prix. Il est conscient de ce qu'il est. Cela ne le dérange pas une seconde. Il promène un regard cynique sur ses "semblables" et joue sans cesse la comédie de ce bon vieux Dexter. mais au fil des années, il va se retrouver marié et père de famille, un peu à son corps défendant. Cela le rend d'autant plus insoupçonnable, mais à quel prix?


Au début de ce 7ème tome, Dexter est donc marié, beau-père de 2 enfants et père lui-même d’une petite Lily-Anne qu’il adore. Seule sa demi-soeur, Deborah Morgan, policière également, est au courant de son secret et s’en accommode comme elle peut. Trois autres personnes sont au courant et encore vivantes, mais si vous désirez lire les romans, je vous en laisse la surprise.

Lui qui déteste l’inattendu se retrouve chargé d’une mission assez particulière: accepter dans son entourage un acteur préparant une nouvelle série policière. Il doit jouer le rôle d’un expert de la police scientifique et compte sur Dexter pour lui inculquer les gestes indispensables mais aussi pour composer son personnage. Dans le même temps, sa demi-soeur sert de chaperon à l’actrice qui jouera le rôle de la flic dure-à-cuire. Mais voilà qu’un crime particulièrement violent a lieu.

Il est dans un premier temps très réjouissant de voir Dexter se débattre avec un acteur qui se met à le singer dans ses moindres mimiques. Puis le roman change progressivement de tonalité. Dexter se met à douter de certains éléments qui lui semblaient indiscutables. Et il commence à envisage sérieusement de changer radicalement certaines choses. Jeff Lindsay veut en finir avec Dexter et ce tome prépare sa sortie. Le prochain tome, annoncé pour juillet 2015 aux USA, s’intitule Dexter is Dead et sera le dernier de la série.
La série télévisée s’est également conclut après 8 saisons et sa conclusion est réputée pour être ratée et décriée par les fans. Jeff Lindsay a tout intérêt à réussir la sortie du Dexter de papie.
En attendant cette conclusion, je suis forcé d'admettre que jeff Lindsay a réussi à créer un monstre inhumain auquel je me suis attaché. Et pourtant, tout en Dexter devrait inciter à la répulsion. Mais n'envions-nous pas tous un peu Dexter? N'avons-nous pas parfois envie de laisser notre empathie au vestiaire pour n'être que cynisme et détachement? Juste pour quelques secondes, nous nous surprenons tous à être Dexter.
Juste pour un instant.
Un souffle.
Dexter est mon plaisir coupable.
Il en faut.
Sinon la vie ne serait pas drôle.

vendredi 24 avril 2015

En guise d'introduction, D'Argile et de Feu d'Océane Madeleine




L'idée de ce blog m'est venu un peu par hasard. Cela fait plus de 2 ans que je consacre un blog à la bande dessinée, dans lequel je digressais parfois, mais je ne pensais pas ouvrir un blog sur la littérature. Ma participation au jury du Prix Première 2015, le prix des auditeurs de la RTBF consacré aux premiers romans, a initié cette idée. Ce fut une expérience très enrichissante où je me suis surpris à faire preuve d'une éloquence que je ne me connaissais pas.

 J'ai donc décidé de me lancer. Sans prétention particulière, cela dit. Je reste fondamentalement un lecteur de métro, à la recherche du plaisir de la lecture. Je n'aime pas passer trop de temps à analyser tel ou tel aspect d'un livre. je suis plus intéressé par les sensations qu'un livre peut générer.
Logiquement, je me suis dit que la meilleure manière d'inaugurer ce blog serait de revenir sur le livre qui a remporté le Prix Première: d'Argile et de Feu d'Océane Madeleine.



Je suis un point qui marche

Dès les premiers mots, ce livre intrigue et emporte.
Céramiste et écrivain, Océane Madeleine, dont c’est le premier roman, y conte les destins croisés de deux Marie.
Marie d’aujourd’hui, femme meurtrie qui fuit, marquée par une tragédie qui a détruit son enfance.
Marie d’hier, Marie Prat, enfant bâtarde d’un potier de renom qui décida, en plein XIXème siècle, de braver les traditions pour marcher sur les traces de son père et devenir elle-même potière.

Marie d’aujourd’hui, au fil de son errance, échoue sur les terres de Marie Prat. Elle va y découvrir la vie de cette femme. Son oeuvre. Et au travers de son histoire, va se reconstruire.
Pour ce premier roman très bref mais dense, Océane Madeleine rend tangible son amour de la terre. La céramique, c’est travailler l’argile et, grâce au feu, faire naître quelque chose d’une matière qui semble inerte.
Le feu est autant purificateur que géniteur.
Le danger dans ce genre de roman est qu’il se perde dans une symbolique trop présente. Que les intentions étouffent le propos. D’une certaine manière, le déroulement de cette histoire est cousu de fil blanc. Sans déflorer la fin, il est clair que ce récit ne peut que raconteur la guérison de Marie. Ce qui fait la réussite de ce roman, c’est la manière dont l’auteur manie les mots, joue des images, transmet sa passion du mariage du feu et de l’argile.
L’écriture est pure et subtile, jouant habilement des signes sans se perdre dans un lyrisme agaçant.

Je suis un point qui marche

6 mots simples qui en disent pourtant long sur Marie.
Un très beau premier roman qui s’est impose très vite comme le lauréat du Prix Première.